Mon travail serait comme mettre à jour une cicatrice profonde au risque de la rouvrir. Sans pour autant y parvenir. Je me décale très légèrement du banal, je l’incise pour faire ressurgir le pervers. J’utilise des images esthétisées, la contemplation qu’elles induisent permet au spectateur un retour à soi. Nous sommes proches de l’état médusé. Car face à mon travail nous attendons quelque chose. Je crée des formes, je propose au spectateur une direction, mais il se trouve confronté à l’attente de quelque chose qui ne viendra pas. La plaie ne s’ouvrira pas. L’attente latente.
Je me plonge et tente de plonger le spectateur dans des espaces fantômes, imprégnés de désillusion. L’usage que je fais du réel se traduit par son déplacement, tentant de relier ma position d’artiste à une expérience universelle du quotidien. Je film mon entourage dans leurs moments de vie, m’intéresse aux objets, et je me sers parfois de la métaphore pour traduire plus efficacement le sens cherché. Je pense que mes images reflètent la conscience qu’elles ne peuvent conserver la vie, que ce soit dans mes vidéos, mes peintures, mes photographies, mes écrits ou mes volumes. Le traitement édulcoré de mes sujets ne les éloigne pas pour autant de cette constante imbrication de la vie et de la mort. Mes formes, qu’elles soient vivantes ou non ne parviennent pas pour autant à s’inscrire dans le réel, et c’est le déplacement volontaire que j’en fais qui en est la cause. Le caractère fantomatique de mes formes est à mi-chemin entre l’incarnation et l’absence, la «décarnation». Mon travail du réel est constamment entrain de s’échapper à lui-même. Il s’évapore.